Avec une forte hausse des épidémies, la crise sanitaire liée au climat s’aggrave dans la grande Corne de l'Afrique
Dans la majorité des pays de la région, le taux de vaccination contre la rougeole est trop faible pour prévenir les cas et tous les pays de la Corne de l’Afrique ont dû faire face à des flambées épidémiques de rougeole en 2022
Nous devons intensifier les interventions essentielles telles que la vaccination et améliorer la surveillance pour éviter que des épidémies n’échappent à tout contrôle
Une nouvelle analyse réalisée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) montre que le nombre de flambées de maladies et de situations d’urgence sanitaire liées au climat signalées dans la grande Corne de l’Afrique a atteint son niveau le plus élevé lors de ce siècle, aggravant une crise sanitaire dans une région où 47 millions de personnes sont déjà confrontées à une faim aiguë. La pire sécheresse depuis au moins 40 ans sévit presque partout dans la région, et l’on s’attend désormais à un cinquième échec sans précédent de la saison des pluies, alors que d’autres zones sont en proie à des inondations et à des conflits.
« Le changement climatique se fait sentir ici et maintenant sur la santé des Africains dans la grande Corne de l’Afrique. L’échec de quatre saisons des pluies consécutives a desséché la terre et poussé les populations à quitter leurs maisons en quête de nourriture et d’eau », a souligné la Dre Matshidiso Moeti, Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique. « Il est essentiel que les dirigeants mondiaux parviennent à un accord pour endiguer la hausse des températures lors de la 27e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27) qui se tiendra justement en Afrique. Notre continent est le moins responsable du réchauffement climatique, mais figure parmi les premiers à en subir les conséquences tragiques. »
L’analyse de la situation dans les sept pays de la grande Corne de l’Afrique – Djibouti, l’Éthiopie, le Kenya, l’Ouganda, la Somalie, le Soudan et le Soudan du Sud – a permis de constater que 39 flambées épidémiques, inondations et autres événements aigus de santé publique y ont été signalés entre le 1er janvier et le 30 octobre 2022. Cela constitue déjà le nombre annuel d’événements répertoriés le plus élevé depuis 2000, et ce à deux mois de la fin de l’année. Les épidémies de maladie du charbon, de rougeole, de choléra, de fièvre jaune, de chikungunya, de méningite et d’autres maladies infectieuses représentent plus de 80 % des événements aigus de santé publique recensés, alors que la sécheresse, les inondations et d’autres catastrophes représentent 18 % des événements aigus de santé publique.
On estime que des millions d’enfants de moins de cinq ans sont confrontés à une malnutrition aiguë, ce qui accroît pour eux le risque non seulement de famine, mais aussi de conséquences graves lors d’une flambée de maladie à cause d’une immunité affaiblie. Les enfants malnutris sont plus sensibles aux maladies courantes de l’enfance. Dans le monde, 45 % des décès d’enfants de moins de cinq ans sont liés à la malnutrition.
« Le nombre de personnes confrontées à la faim aiguë dans la grande Corne de l’Afrique a plus que doublé au cours des quatre dernières années. Il faut en finir avec cette hausse exponentielle de la misère. Entre la malnutrition et la mort, il y a souvent la maladie. La situation désastreuse dans la grande Corne de l’Afrique crée des conditions idéales pour des épidémies qui, si nous n’agissons pas rapidement, s’embraseront avec une intensité accrue », a ajouté la Dre Moeti. « Pour une riposte d’urgence efficace à la crise qui se trouve à notre porte, nous avons besoin de 124 millions de dollars É.-U., mais nous n’avons pour l’instant reçu que 34 % de ce montant. »
Dans la région, la couverture par des vaccins d’importance vitale pour les enfants est bien inférieure au seuil requis pour prévenir les flambées épidémiques. Dans la majorité des pays de la région, le taux de vaccination contre la rougeole est trop faible pour prévenir les cas et tous les pays de la Corne de l’Afrique ont dû faire face à des flambées épidémiques de rougeole en 2022.
La sécheresse n’est pas le seul phénomène météorologique extrême qui sévit dans la région. Le Soudan du Sud connaît des inondations pour la quatrième année consécutive, et 40 % du pays est sous les eaux. Les fortes pluies et les crues subites continuent de toucher des dizaines de milliers de personnes à travers le Soudan voisin. Les inondations ont détruit ou endommagé des milliers de maisons et des dizaines d’établissements de santé, de sources d’eau et de latrines dans 15 États. De plus, le bétail et une grande partie des terres agricoles ont été affectés par les inondations, ce qui contribue à l’insécurité alimentaire.
Par ailleurs, l’insécurité alimentaire, qui résulte des inondations et de la sécheresse, ainsi que des conflits, des conséquences de la pandémie de COVID-19 et des prix élevés des denrées alimentaires et des carburants, a poussé les gens à fuir leurs habitations. En conséquence, la région compte désormais 4,5 millions de réfugiés et de demandeurs d’asile, ainsi que 12,7 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Le déplacement de personnes implique souvent qu’elles ne bénéficieront pas des soins de santé dont elles ont besoin, y compris les soins préventifs. Le surpeuplement des abris temporaires, avec de mauvaises conditions d’alimentation en eau et d’assainissement, peut exacerber le risque de flambées épidémiques.
Face à l’aggravation de la crise sanitaire, l’OMS s’attache à faire en sorte que les populations vulnérables, en particulier les enfants, aient accès aux services de santé essentiels, en protégeant les populations contre les maladies moyennant des campagnes de vaccination, en détectant et en ripostant aux épidémies, et en fournissant un traitement pour la malnutrition aiguë sévère, entre autres mesures.
L’OMS a mobilisé pour la grande Corne de l’Afrique des fournitures et des équipements d’une valeur de plus de sept millions de dollars É.-U. , dont trois millions de dollars en kits pour faire face à la malnutrition sévère ou des maladies telles que le choléra et la rougeole. L’Organisation a également formé des milliers de travailleurs de la santé dans toute la région à la prise en charge des cas de malnutrition aiguë.
« L’OMS a besoin de toute urgence que ses partenaires se réunissent pour soutenir la riposte à l’insécurité alimentaire dans la région », a déclaré le Dr Egmond Evers, gestionnaire d’incident par intérim pour la riposte de l’OMS dans la grande Corne de l’Afrique. « Nous devons garantir une riposte sanitaire forte afin de prévenir les maladies et les décès dus aux risques sanitaires liés à l’insécurité alimentaire. Nous avons besoin de plus d’équipements et de fournitures médicales essentielles, de vaccins, de médicaments et de kits pour soutenir les services de santé essentiels. Nous devons intensifier les interventions essentielles telles que la vaccination et améliorer la surveillance pour éviter que des épidémies n’échappent à tout contrôle. Nous ne pouvons plus attendre. Nous devons agir maintenant. »
L’OMS a organisé une conférence de presse aujourd’hui à laquelle ont participé le Dr John Rumunu, Directeur général des Services de santé préventifs au Ministère de la santé du Soudan du Sud, le Lieutenant-colonel Henry Kyobe Bossa, gestionnaire d’incident au Ministère de la santé de l’Ouganda, pour l’épidémie d’Ebola, le Dr Egmond Evers, gestionnaire d’incident par intérim pour l’insécurité alimentaire et la santé dans la grande Corne de l’Afrique au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique; et le Dr Patrick Otim, gestionnaire d’incident pour l’épidémie d’Ebola en Ouganda au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique.
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